Selon sa profession de foi du 15 juillet 2014, M. Juncker veut briser les barrières nationales en matière de droit d’auteur.

Déclarer vouloir « briser les barrières nationales en matière de réglementation de droit d’auteur » est un sophisme, c’est à dire une malhonnêteté intellectuelle. Il n’existe pas de barrières nationales en matière de doit d’auteur. Le droit d’auteur, c’est schématiquement les droits d’exploitation et les droits moraux. Les droits d’exploitation comprennent le droit à rémunération pour l’exploitation des oeuvres pour leur reproduction d’une part et pour leur représentation d’autre part. Ces droits d’exploitation valent avec parfois des acceptions différentes sur l’ensemble de l’Union européenne. Une directive du 22 mai 2001 a unifié les différents régimes de droit quant aux droits d’exploitation. Il est donc inepte de déclarer qu’il existerait des barrières nationales en matière de réglementation de droit d’auteur au sein de l’Union. Quant aux droits moraux, ils comprennent notamment le droit de décider de la divulgation de sa création, le droit au nom et le droit de contrôler son intégrité ou sa non dénaturation. Ils sont largement unifiés via la convention de Berne. Si leur symbole est fort puisqu’ils constituent le droit d’auteur comme un véritable droit de l’homme, leur impact sur la circulation des oeuvres est négligeable. Il faut donc comprendre la déclaration du président Juncker comme un sophisme et la replacer dans le contexte de sa déclaration du 15 juillet 2014: « Je pense que nous devons tirer un meilleur parti des grandes possibilités offertes par des technologies numériques qui ne connaissent aucun limite. Pour cela, nous devrons avoir le courage de briser les barrières nationales en matière en matière de réglementation des télécommunications, de droit d’auteur et de protection des données, ainsi qu’en matière de gestion des ondes radio et d’application du droit de la concurrence. » M. Juncker invoque des barrières nationales – qui n’existent pas – afin de justifier une prévalence de la circulation et du commerce des biens via les technologies numériques au détriment de l’écosystème du droit d’auteur. C’est une problématique environnementale connue dans le monde physique: pétrole, diésel et gaz de schistes d’un côté au détriment de l’environnement physique. Avec le même phénomène suicidaire: comme les atteintes à l’environnement minent à court terme toute croissance intelligente, la circulation des biens numériques au détriment des droits des auteurs mine à court terme toute création de qualité, c’est à dire celle d’esprits libres et indépendants. Si M. Juncker et ceux qui le conseillent s’étaient penchés un tant soit peu sur la question et ne nous avaient pas servi du politique «  prêt à servir », ils sauraient que nombre de créateurs en Europe et particulièrement en France, qui sont source non seulement de croissance mais aussi de lien social, ne sont pas rémunérés ou alors de façon indécente: par exemple la plupart des auteurs et illustrateurs des livres dans le secteur jeunesse, par exemple également les artistes-auteurs. Oui, il y a un problème du droit d’auteur, c’est celui de la confiscation de celui-ci par certaines industries oligopolistiques au détriment des créateurs, et des professionnels du livre, de la musique ou du film.  Ce droit d’auteur devient, alors, effectivement, un obstacle illégitime à la circulation des oeuvres et un obstacle au nécessaire accès du public aux oeuvres de l’esprit, passées actuelles et à venir. La déclaration de M. Juncker est totalitaire, sans doute est-ce pour cette raison qu’il choisit comme commissaire européen à la culture un affidé de Viktor Orban, Tibor Navracsics, ex ministre de la justice hongrois, auteur d’une loi de censure – ce n’est pas le moindre des paradoxes – que le totalitarisme n’effraie pas.