En relisant l’ouvrage de Pierre Seghers, La Résistance et ses poètes – je ne sais trop pourquoi –  je retrouve un poème de Georges Ribemont-Dessaignes (1884-1974) publié dans Fontaine (Alger) en décembre 1941 intitulé LE PEUPLE À QUI JE SUIS LIÉ.

Puisque l’on invoque et convoque le “Peuple”, je ne résiste pas à la tentation d’accrocher ce poète et ce poème à l’actualité et d’en confier leurs vertus à cette humble publication

 

LE PEUPLE À QUI JE SUIS LIÉ

 

Ô peuple bien-aimé, qu’es-tu donc grande âme,

Fleur incertaine et flottante de derrière les yeux

Au suc né par cent racines de la pierre

Quand coulent mille sources invisibles sous la terre.

 

Un accordéon traîne dans un bistrot

Où l’amour s’amasse dans les verres de fine,

Des heures de septembre battent le blé,

Dans une cour de ferme un rire bat la liberté.

 

N’est-ce que cela, mes frères, je vous aime,

Et je vous aime et je vous hais comme on se hait soi-même.

Mais nous voici au triste jour des miroirs

Qui cachent au témoin l’espoir même de son image.

 

Rien ne sert de frapper à sa ressemblance.

Qui es-tu, voyageur? Mais qui donnera la réponse

Au peuple abattu sur les bords des fossés

Où gémissent es petits enfants sans mère et sans âme?

 

Et cependant toujours se lève l’aurore

Sur les villages nus que les étoiles ont vêtus

Dans la rue aux ténèbres je laisserai

Mon coeur battre chaque soir au coeur de chaque volet.

 

La femme se courbe aux soucis du ménage

Et toujours nous verrons germer les printemps de la terre

Et l’incertain charbon d’un esprit toujours

Cherche son feu sous les cendres de l’amour.

 

Mais qu’est-il arrivé, mes amis sans larmes,

O peuple abattu dont on a coupé la chevelure?

Quelque chose grésille à ton ombre et fume

Qui s’élève en volute, ô peuple, qu’es-tu donc, grande âme?

 

Georges RIBEMONT-DESSAIGNES